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La Fille Horizontale
4 février 2013

« To Pretty Girl, hope to see you again, xoxo, J. »

"Pretty Girl."

 

C'est moi. Je suis "pretty". C'est Lui qui l'a dit. C'était il y a quatre mois. Une éternité. Mais c'est Lui qui l'a dit, et s'il a oublié je m'en souviens pour deux. Je m'en souviens quand je suis en cours et que je souris en fixant la fenêtre alors que toute la classe planche sur un devoir de math ( ma moyenne à dû baisser de 4 points rien que pour un souvenir). Je m'en souviens quand je saute dans les flaques d'eau. Je m'en souviens quand je danse dans ma chambre, et quand je chante dans ma brosse à cheveux, en écoutant son album. Je m'en souviens quand un garçon me regarde un peu trop longtemps. Peut-être que lui aussi, le pense. Peut-être que je le suis vraiment.

Bref, ça fait quatre mois que je souris. Je ne suis pas une fille compliquée. Il m'en faut peu pour être heureuse. Comme dirait l'autre ( oui, j'ai de super références). Je lui ai envoyé un mail, deux semaines avant le festival, pour être sure qu'il se souvienne de moi et du fait qu'il m'avait invitée. Mail que j'ai mis trois heures à écrire ( et encore, c'est parce que je ne suis pas une fille compliquée. Sinon ça m'aurait pris le double de temps hein!). Il fallait que j'ai à la fois l'air cool et détendue, mais aussi très intéressée. Il fallait que je lui remémore notre rencontre ( apogée de ma vie sexuelle. Oui, deux bises sur les joues, c'est bien ça), tout en sachant que pour lui ce n'était sûrement qu'une soirée parmi tant d'autre. Et après avoir cliqué sur "envoyer", j'ai passé mes journées à réactualiser la page et à vérifier la connexion internet. Parce que je ne suis pas compliquée et que j'ai tout à fait confiance en moi. Toujours.

 

"it's ok you're on the list"

Pas de majuscule, pas de ponctuation, pas de "i hope to see you soo". Et surtout, pas de Pretty Girl. Bon il a répondu, c'est déjà ça. Non, c'est même carrément plus que ça. Il m'a répondu. C'est un mail à la con mais il m'a répondu. Et je vais le revoir.

 

Une sélection de vêtements sexy-mais-pas-trop, camping-mais-pas-trop, il-va-peut-être-pleuvoir-mais-j'en-sais-rien, une grande discussion avec moi-même pour trouver le compromis entre le talons aiguille et la botte en caoutchouc, 3h de TGV et 1h de métro plus tard, j'arrive à Rock en Seine. Je commence à faire la queue au guichet des invitations, angoissée qu'il n'y ai mon nom sur aucune liste, qu'il se soit moqué de moi, qu'il ne m'ait jamais trouvé "pretty" ( la paranoïa habituelle, en gros). Quand arrive enfin mon tour, je dis que je suis invitée. Par qui? Par J. (vous savez le grand brun sexy). "Ah non désolée madame, j'ai rien pour vous". Elle a un petit sourire en coin, et l'oeil qui me jauge de haut en bas. Manque de chance, je porte un sac plus gros que moi et une tente sur le dos. Je ne suis pas à mon top. Je sens que je vais abandonner, peut-être même pleurer. Elle en rajoute une couche " si vous voulez acheter une place c'est le guichet à côté". Salope. Alors, j'insiste, je dis que pourtant si, il doit y avoir mon nom, IL m'a envoyé un mail pour confirmer. Derrière elle, passe un type qui entend la conversation, il s'arrête et l'interrompt. " Mais la jolie demoiselle est invitée par un groupe, c'est ça? Tu regardes pas au bon endroit, va chercher les listes Vip!" Il a dit que j'étais jolie, je rougis. J'intègre petit à petit ce qu'il vient de dire. Elle s'est trompée. Liste Vip. Putain, liste Vip. Je suis une Very Important Person. J'éclate de rire quand il me donne mon pass All Access Area tout en s'excusant pour l'incompétence de sa collègue. "Et passez un bon festival!"

Ne vous inquiétez pas pour moi, il va être bon. Je vais le revoir!

Son groupe ne joue que le deuxième jour, je profite du premier pour m'installer au camping et découvrir le site du festival. Selon les concerts, je m'installe au premier rang ou bien au fond, pour observer la foule bouger comme des vagues sur la musique. Je me sens bien. J'ai l'impression d'être chez moi. Ou au paradis.

Je décide de tester le fameux pass all access area qui dépasse de la poche de mon jean, je me dirige vers un portique gardée par des vigiles, je leur tends mon sésame et... me retrouve sur le parking Vip. Au milieu d'immenses tour bus. Bien joué. Il n'y a personne et c'est calme, à travers la cloison en canisse, je vois l'agitation des festivaliers de l'autre côté. Je pars en expédition et longe le parking, j'arrive sous une grande tente, il y a du monde. Je croise un ancien ministre de la culture, des journalistes, des filles hyper bien habillées qui, elles, ont osé les talons aiguilles. Puis des musiciens, bien sûr. Je ne sais pas quoi faire avec mes mains (ni avec le reste de mon corps, d'ailleurs) alors je vais me chercher une bière et me poser dans un coin. Invisible. Je reconnais des visages, plus ou moins célèbres, je m'amuse à retrouver leur nom, ça me fait sourire. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, quand on vient me tapoter sur l'épaule. "Vous êtes là pour l'interview?" Il n'est pas très grand, blond, plutôt beau garçon. En fait, plutôt bel homme. Puisqu'il a largement dépassé la vingtaine. Je ne le reconnais pas tout de suite parce que son français parfait m'indique la mauvaise direction. Mais il est bel et bien américain. Chanteur dans un groupe que j'écoute depuis toujours. J'avale ma bière de travers et lui fait répéter sa question. J' hoche la tête. Non, non, ce n'est pas moi. "Excusez-moi, j'ai cru. Vous êtes la seule personne qui ne se donne pas l'air d'être occupé. Alors j'ai cru que vous m'attendiez." Je sors de ma torpeur et arrive à lui lancer un "j'adore ce que vous faites" maladroit et je continue, avant qu'il s'en aille, en ajoutant que je ne suis sûrement pas assez cool pour pouvoir être occupée. Il se retourne et sourit "J'aime bien le gens qui ne sont pas cools. Je suis en retard pour mon interview, je dois y aller, mais on se reverra peut-être après le concert." Je ne le reverrais pas après le concert. Mais 4 ans plus tard, il sera assis à côté de moi, sur mon canapé, hésitant à m'embrasser.

Je retourne du côté spectateur et profite de la fin de la journée avant de rejoindre ma tente. Je n'arrive pas à dormir, excitée par la journée que je viens de passer, excitée par la journée qui m'attend le lendemain. Je finis par m'assoupir mais me réveille au petit jour. Le camping est incroyablement silencieux. Les douches sont désertes, il y a même encore de l'eau chaude. Je me maquille comme je peux à l'aide d'un miroir de poche et pars me promener dans le parc. C'est tellement tôt, qu'il n'y a pas encore de vigiles à l'entrée et je n'ai pas besoin de dégainer mon pass vip pour accéder au parking. A peine posé mon pied dans le fameux espace, que vient se garer un gros tour bus noir. Et deux minutes après, LUI qui en descend. Je panique, il est 6h du matin, je ne suis pas censée être là, toute seule, sur un parking. Et si tôt en plus. Il va croire que je l'attends. Que je suis une folle furieuse. C'est quoi l'anglais pour le mot coïncidence? Il va regretter de m'avoir invitée. Pourvu qu'il ne me reconnaisse pas. Vite trouver une contenance. Seule, sur une parking, à 6h du mat, c'est foutrement compliqué. Qu'est-ce que je fais? Qu'es-ce que je fais? Qu'est-ce que je fais! Il fait quelques pas et s'étire un peu avant de me remarquer. Il grimace un instant puis me rejoint en souriant. Il s'arrête à quelques centimètres, je le sens hésitant, pendant un moment je pense qu'il va même me serrer la main. Finalement, il opte pour une bise sur la joue. Je rougis. Lui aussi. Il demande si je n'ai pas eu de soucis pour récupérer mon pass. J' hoche la tête. Non, non. Je le remercie encore. Grand sourire. Je lui demande comment a été le trajet et s'ils viennent de loin alors que j'ai appris par coeur les villes de leur tournée. Les autres membres du groupe s'approchent, ils plaisantent, demandent qui je suis. J'aime bien leur tête de mec qui vient de se réveiller. Je me souviens que j'ai un appareil jetable dans mon sac. Je leur demande si je peux les prendre en photo. Ils posent avec plaisir, tous les quatre, mal coiffés, rigolant et oreiller sous le bras.

rockenseine260806

J. me propose de venir prendre un petit déjeuner avec eux. Je panique encore, je dis que ça va, que je n'ai pas faim. Les trois autres s'en vont, J. me demande de l'attendre. Cinq minutes plus tard, il a posé son sac et revient avec juste un café entre les mains. Lui non plus n'a pas faim. Je lui explique que je profitais qu'il soit tôt et qu'il n'y ait personne pour me promener. Il trouve que c'est une bonne idée et on se retrouve tous les deux, à marcher dans le parc immense et vide, en silence. Il souffle sur son café chaud et je cherche quelque chose à dire. Quelque chose d'intéressant, si possible. Ca ne vient pas. On fait tout le tour, de la petit scène à la grande scène. Même quelque chose de stupide, ça m'irait en fait. Mais les mots ont disparu de ma tête. Le jour s'est levé sur Saint-Cloud, il sort des lunettes de soleil de sa veste. Des Wayfarer rouges. " Nice glasses!" Je n'ai rien trouvé de mieux à dire, mais il les enlève pour me les faire essayer et ça suffit à nous faire rire. Il me raconte qu'il a longtemps bossé dans un magasin qui vendait des fringues bizarres de punk. Je lui parle des études que je fais, des petits boulots pourris à côté. Il a finit son café depuis une éternité et déchiré le gobelet en mille morceaux quand on revient sur le parking. Son manager lui a téléphoné, il doit y aller.

Je les revois plus tard dans l'après-midi, pour leur concert. Je suis collée au premier rang. Plus que jamais, le coeur cognant contre la barrière de sécurité. Pile devant J.. Je me dis que j'ai rêvé, que je n'étais pas avec lui, il y a quelques heures. Pourtant, quand il monte sur scène, il me lance un clin d'oeil. Je profite autant de la musique que du simple fait qu'il soit là, à me sourire. A la fin du set, il se penche vers moi pour me donner son médiator et me dire de le retrouver à l'espace vip. Mais il a à peine le temps de m'enlacer et moi de le féliciter, que leur manager s'approche en disant qu'ils vont être très occupés: photo, interview, radio, télé... Je ne le reverrais pas de la soirée.

Je ne suis même pas déçue, même pas un peu triste, je vois ce moment comme une parenthèse enchantée. Un peu irréelle, définitivement magique. En cours, je ne suis personne, ici, je suis Pretty girl. Il y a même un garçon que je soupçonne de bien m'aimer. Je plane au milieu d'une foule illuminée et je suis plus en vie que n'importe qui. Je me sens incroyablement bien. Je souris en me dirigeant vers le prochain concert. Et vers ce qui sera la nuit où je perdrais ma virginité.

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Commentaires
L
mdr! tu m'as bien fait rire avec Robert Plant! Mais je suis allée voir des photos, effectivement, il est (presque) potable... pour 64 ans! Non, ce n'est ni lui, ni Josh Homme! <br /> <br /> Tu sais que si tu trouves je vais être obligée de te censurer mdr?
D
J'espère que c'est pas Monsieur Robert Plant, quand même (même si musicalement, ce serait la über classe) ;) Je parierais plutôt pour le mec de Queen of the Stone Age même s'il a l'air blond vénitien (comme Corey Taylor), je sentirais bien que ce soit lui le winner :) Bon allez, j'arrête de t'embêter. Joli récit rock'n'roll en tout cas !
L
J'ai essayé de laisser le moins d'indices possible... ;-)
D
Eh ben dis donc, sacré Rock en Seine que ce Rock en Seine-là ! :) Bien joué :) (Je me creuse la tête dans tous les sens pour situer qui est l'homme américain blond en même temps.)
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